le Bel Indifférent

Texte de Jean Cocteau
Musique de Jean-Marie Machado

Ensemble Virêvolte, Aurore Bucher
Distribution :
Voix et direction artistique : Aurore Bucher
Accordéon : Pierre Cussac
Clarinettes : Carjez Gerretsen
Violoncelle : Anthony Leroy
Percussions, vibraphone : Ludovic Montet

1 Livre disque illustré label ENPHASES ENP013
Sortie le 22/09/2023 Distribution OUTHERE

Enregistrement, mixage et mastering aux Studios la Buissonne en novembre 2022 et mars 2023.
Prise de son : Gérard de Haro assisté de Matteo Fontaine,
Direction artistique : Jean-Marie Machado
Mixage : Gérard de Haro, Franck Jaffrès, Aurore Bucher
Mastering : Nicolas Baillard
Illustrations : Laure Slabiak

Avec cette première adaptation musicale du texte de Jean Cocteau, dont la puissance poétique et l'énergie ont gardé toute leur force, l'ensemble Virêvolte propose une lecture radicalement nouvelle de la pièce. Dans ce livre-disque illustré, qui s'ouvre comme un accordéon sur plus de quatre mètres, sont racontées, chantées et dessinées les errances d'une héroine intemporelle. Telle une Madame Loyale à la fois voyante et sorcière, celle-ci s'empare de la force créatrice du silence imposé par ce « bel indifférent », projette ses fantasmes sur les murs d'un music-hall imaginaire et transforme l'attente de l'amant en un gigantesque feu d'artifice sauvage et risqué. Elle explore toutes les couleurs de ses émotions, grâce à l'inventivité de Jean-Marie Machado, dans une succession de numéros allant de l'air d'opéra à la chanson.
Son histoire va ainsi se déplier sous vos yeux et se déployer en musique, vous entraînant dans une course haletante au croisement des genres musicaux et des esthétiques.

Quand le Comité Cocteau a accepté en 2020 que nous adaptions pour la première fois en musique le Bel Indifférent, je n’aurais jamais imaginé vivre une si belle aventure.

La pièce écrite par Cocteau pour Edith Piaf en 1940 raconte l’histoire d’une chanteuse qui rentre seule de son tour de chant et qui attend désespérément la seule personne qui ne l’écoute pas : Emile, ce bel indifférent. Facile alors pour moi de me projeter dans ce rôle et de désirer le chanter ! 

Mais il a fallu la rencontre avec Jean-Marie Machado, ce prodige de la mélodie, pour que cette idée prenne corps. Puis, une fois le livret brillamment mis en forme par Emmanuel Olivier et découpé en numéros allant de l’air d’opéra à la chanson, ce dernier a accepté de se lancer dans la mise en scène et de déployer une dramaturgie savamment inspirée du monde de Cocteau. La perspicacité et le talent d’Elisabeth de Sauverzac ont permis de donner des silhouettes à nos personnages et notamment d’accompagner ma véritable « mue » au fil du spectacle. Stéphane Vérité a créé l’espace et les lumières nécessaires pour osciller de la chambre à la scène sans jamais choisir entre les deux. Enfin il fallait au moins quatre garçons talentueux pour m’accompagner musicalement dans ce délire fantasmatique.  Ils ont accepté de jouer la comédie, de chanter et même de danser, entrainés par le génial et patient Victor Duclos, qui a su également guider mes pas sur des talons de 8 cm. L’immense générosité de chacune et chacun, l’attention et l’écoute réciproques, nous ont permis d’inventer ensemble, dans un échange incessant, un langage commun pour adapter cette œuvre avec bonheur et en donner notre vision musicale et théâtrale. 

Pour garder la trace de cette aventure et la partager aujourd’hui avec vous, nous sommes passées par les mythiques Studios la Buissonne, où Gérard de Haro a su tirer le meilleur de nous avec bienveillance et exigence. 

À l’heure où on l’on s’impatiente d’entendre de nouvelles histoires, où des princesses n’attendraient plus désespérément que des princes les délivrent, ce qui m’intéresse dans la pièce, c’est l’énergie de cette femme, qui n’est jamais une victime, sa vraie folie et non sa plainte. Elle s’empare du silence pour en tirer toute la puissance créatrice, exprimer sa vision, sa violence, son désir. Voyante ou sorcière, elle projette ses fantasmes sur les murs d’un music-hall imaginaire tel Cocteau ses dessins sur les murs de la Villa Santo Sospir, ou Laure Slabiak le long des 4 mètres 35 de notre leporello. 

Cette femme se met en scène, s’invente un théâtre. C’est ce théâtre que nous avons cherché à déployer ici. 

Aurore Bucher

Je mesure ma chance et mon plaisir d’avoir pu mettre en musique pour la première fois le magnifique texte de Jean Cocteau Le Bel Indifférent. Ce travail s’est révélé passionnant, dans la recherche des moindres détails musicaux au service des mots.

Les accords avec les éditeurs stipulaient l’impossibilité de procéder à des coupures ou des adaptations. Il me fallait donc trouver la manière de donner le texte en musique en partant de son écriture originelle.

De prime abord, ce texte de théâtre, qui n’était pas destiné à la musique, ne se prêtait pas aisément à une mise en forme sonore. Le découpage réalisé par Emmanuel Olivier et Aurore Bucher a donné un premier rythme « audible », ce qui a facilité la mise en chanson du texte.

Alors comme par magie, certains extraits, Lis ton journal par exemple, sont apparus comme de véritables « succès lyriques d’aujourd’hui ».

D’autres passages sont restés délicats à « musicaliser », tant leur teneur liée à un discours du quotidien était l’axe principal d’expression.

Dans mon élan, j’ai eu recours à diverses techniques d’écritures, de récitatifs variés et colorés, une mosaïque de changements d’atmosphères qui ont contribué à contourner l’austérité de la situation décrite et ont permis le rythme de la narration musicale.

C’est en écoutant la restitution après une semaine de résidence à la Cité de la Voix-Vézelay que j’ai alors réalisé à quel point la musique avait donné de l’âme au rôle-titre, comme on le voit dans une bande son cinématographique.

L’incroyable performance d’Aurore Bucher et l’excellent quatuor réuni ici ont donné toute la force indispensable à cette première adaptation du Bel Indifférent.

Jean-Marie Machado

Musicien de formation classique, habité par un esprit d’improvisation et de création,   Jean-Marie Machado fait preuve d’un goût marqué pour des formations orchestrales peu communes. Il développe une écriture originale, parfois savante mais toujours guidée par un souci de lyrisme. Dans ses différents projets, on peut ressentir la multiplicité de son héritage culturel : né au Maroc, d’une mère italienne et espagnole et d’un père portugais, il apprend le piano auprès de la grande concertiste Catherine Collard. 
Dans les années 1980, il découvre le jazz et l’improvisation qu’il malaxe et apprivoise, la transformant en un langage intime et original. Sa rencontre en 1990 avec le percussionniste brésilien Nanà Vasconcelos lui ouvre de nouvelles voies : les musiques du monde et les musiques traditionnelles s’invitent dans ses partitions. Des amitiés se nouent avec de grands jazzmen européens et américains : Andy Sheppard, Dave Liebman, Paolo Fresu, Paul Motian, Martial Solal. En 2007, il crée l’orchestre Danzas. Les mots d’ordre sont l’ouverture et l’hybridation. 
La musique de Jean-Marie Machado ne connaît pas de frontières et il compose tant pour des formations classiques que pour des ensembles de musique de chambre, des projets au croisement des esthétiques entre théâtre, danse et conte. Toujours entre improvisation et écriture, les musiques de Ravel, Debussy, Bill Evans ou Thelonious Monk sont pour lui des sources inépuisables d’inspiration. 

La soprano Aurore Bucher circule librement à travers les genres musicaux. Du chant grégorien  aux créations contemporaines en passant par l’opéra et l’improvisation, elle invente son chemin et collectionne les rencontres artistiques : Jean-Claude Malgoire, Gérard Lesne, Robert Wilson ou Christoph Marthaler. Dotée de nombreuses récompenses, elle a enregistré différents disques avec  la Fenice, le Poème Harmonique ou la Chapelle Rhénane. Elle incarne Micaëla  (Carmen) ou Armida (Rinaldo), se produit dans des Maisons d’Opéra et des Scènes Nationales, mais son énergie et sa curiosité la poussent souvent loin des cadres traditionnels du concert classique. Ce qui lui importe, c’est de raconter des histoires en musique et d’aller à la rencontre d’un public nouveau : avec l’Ensemble Justiniana, elle amène l’opéra dans les prairies de Franche-Comté; avec Opéra Apéro,  elle se produit dans des hôpitaux, des centres d’hébergement d’urgence, des prisons, des bars. 
À ses yeux, la musique appartient à ceux qui l’écoutent et c’est dans cette perspective qu’elle fonde l’ensemble Virêvolte en 2013, pour sortir la musique classique des salles de concert et tenter de nouvelles aventures. Les artistes qu’elle réunit proposent des arrangements inédits d’un répertoire allant du baroque à la chanson pop. Formé·es dans les plus grands conservatoires, ils et elles abolissent les frontières entre musique savante et musique populaire. En mêlant des styles radicalement différents et en bousculant les idées préconçues, ils et elles dynamitent les frontières entre les styles et créent des ouvertures dans le monde encore trop fermé de la musique classique. Fort d’une énergie à toute épreuve, l’ensemble est régulièrement invité à donner ses programmes sur des scènes prestigieuses mais aussi des lieux éloignés de la sphère lyrique. 
Virêvolte met son excellence artistique au service de l’hybridation, en chevauchant allègrement  300 ans de musique : un goût du risque qui est aussi sa marque de fabrique. Sa rencontre humaine et artistique avec Jean-Marie Machado en 2018 l’amène tout naturellement à lui commander la première adaptation musicale du Bel Indifférent de Jean Cocteau, mise en scène par Emmanuel Olivier en décembre 2021 au Centre des Bords de Marne.